Iran : il faut des sanctions "plus intelligentes"
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LeMonde - Installée au Royaume-Uni depuis juin 2009, l'avocate et militante des droits de l'homme iranienne Shirin Ebadi, Prix Nobel de la paix 2003, se prononce sur l'effet des sanctions occidentales et sur l'élection présidentielle en Iran prévue en juin 2013.
L'économie iranienne est en crise. Pensez-vous que les sanctions économiques et financières occidentales portent leurs fruits ? Vont-elles dissuader la République islamique de poursuivre son programme nucléaire ? Ces sanctions ont sans doute affaibli sensiblement l'économie, mais elles n'ont pas pu mettre fin aux politiques de Téhéran. Malheureusement, le peuple souffre à cause de ces sanctions. J'ai toujours dit qu'elles devaient être plus intelligentes : elles doivent viser le régime mais pas la population. C'est dans ce sens-là que j'ai demandé, à de nombreuses reprises, que l' européenne interdise aux autorités iraniennes l'accès aux satellites européens. Car le régime les utilise pour diffuser sa propagande sur ses télévisions et ses radios, en farsi et en quinze autres langues. Il incite à la haine contre les juifs et les bahaïs , ainsi que des minorités ethniques comme les Baloutches. Ces chaînes diffusent des aveux de prisonniers politiques obtenus sous la torture. En outre, l'Etat iranien brouille les chaînes de télévision diffusées en persan depuis l'étranger. Quand un régime persiste à enfreindre la loi, pourquoi lui permet-on de continuer à utiliser une technologie à son seul profit ? C'est un exemple de sanction ciblée qui n'a pas encore été mis en oeuvre. Je demande au gouvernement français d'obliger Eutelsat à rompre son contrat avec l'Iran. Cette société, dont l'Etat français possède un tiers, préfère, jusqu'à présent, ses intérêts économiques aux droits de l'homme. Ne craignez-vous pas que les questions relatives aux droits de l'homme soient oubliées dans d'éventuelles négociations sur le nucléaire ? Cela fait des années que la question nucléaire fait de l'ombre aux violations des droits de l'homme en Iran. Je pose la question aux négociateurs du groupe "5+1" , à leurs gouvernements et à leurs peuples : si le régime iranien acceptait demain de mettre fin à l'enrichissement de l'uranium et de collaborer entièrement avec l'Agence internationale de l'énergie atomique , tendrez-vous la main à un régime qui lapide les femmes, emprisonne les mineurs et tue les blogueurs sous la torture ? Je demande aux Européens de ne pas penser qu'à leurs intérêts économiques, mais aussi à la sécurité du peuple iranien. Les manifestations de juin 2009 ont prouvé que le peuple voulait un changement. Sans concertation, trois millions d'Iraniens sont descendus dans la rue pour montrer leur mécontentement. Les gens ont marché en silence, avec un seul slogan : "Où est mon vote ?" Pas même une vitre n'a été brisée. Le mouvement vert a montré au monde entier à quel point les Iraniens étaient civilisés et pacifiques. Malheureusement, ce jour-là, on a tiré sur la foule. Beaucoup ont été arrêtés, torturés, condamnés à des lourdes peines de prison. Ce mouvement a dévoilé la vraie nature de ce régime. Mais depuis, nombre d'opposants ont quitté l'Iran, comme vous. Nous poursuivons notre lutte pour la démocratie et les droits de l'homme, même hors d'Iran. Des manifestations et des rés sont organisées à l'étranger. Il y a aussi les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter. Ceux qui sont partis n'ont jamais quitté l'Iran, ils sont partis pour pouvoir mieux se battre pour l'Iran. Le changement peut-il venir de la diaspora ? Que quelques millions d'Iraniens de la diaspora veuillent renverser le régime depuis l'étranger est de l'ordre de la plaisanterie. Il est évident que tout changement se fera par les 75 millions d'Iraniens vivant en Iran. Une nouvelle présidentielle va avoir lieu en juin 2013. Pensez-vous que des tensions vont resurgir ? Les Iraniens ne croient plus aux élections ; celle de 2009 a démontré que le changement n'était pas possible par les urnes. D'autant que la loi électorale a été modifiée pour ne permettre qu'à un très petit nombre de candidats de se présenter : ceux en qui les services de renseignements et le Guide suprême ont une totale confiance. Les gens ordinaires ne participeront pas à la présidentielle, car ce sera une parodie d'élection. Et des tensions entre les partisans de Mahmoud Ahmadinejad et d'autres factions conservatrices sont probables.
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